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MeToo

Pour faire référence à la page 41 du manifeste

Texte rédigé par Serge Garde (SG)


Le 15 octobre 2017, l’actrice Alissa Milano se solidarise avec les accusatrices du producteur de Hollywood Harvey Weinstein, en réactivant sur Twitter le hashtag MeToo (« moi aussi ») créé dix ans plus tôt par la militante afro américaine Tarane Burke.

La nuit suivante, le hashtag MeToo est retweeté plus de 500.000 fois. Et le lendemain on dénombre 30 000 tweets ! C’est la confirmation de l’ampleur d’un fléau social : la criminalité sexuelle. Mettre en doute une accusation individuelle, c’est normal et prudent. C’est aussi le réflexe de celles et ceux qui, pour des raisons diverses, préfèrent rester dans le déni. Mais cette présomption de mensonge devient inopérante devant des milliers de témoignages.


En janvier 2018, 300 femmes « influentes » lancent une campagne solidaire : « Time’s up » (C’est fini !). Et de nombreux acteurs soutiennent le mouvements en arborant une rose blanche à la cérémonie des Granny Awards 


Le 19 mai, l’actrice Asia Argento dénonce les agissements criminels de Harvey Weinstein au Festival de Cannes.


Car la déferlante MeToo traverse rapidement les océans et impacte plus de 80 pays…  Dès qu’un espace dédié (lien téléphonique, e-mail, etc.) est ouvert pour accueillir le témoignage de victimes, il est aussitôt saturé. 

La police canadienne en fait l’expérience. Elle reçoit près de 500 appels en trois semaines. 


En Suède aussi, ce sont des actrices qui ouvrent les vannes. Des groupes de centaines et parfois de milliers de femmes s’emparent du hashtag dans tous les secteurs de la société. Au point que le premier ministre, Stefan Löfven, estime nécessaire « une rupture radicale […] avec les schémas patriarcaux ». Même l’Académie Nobel est éclaboussée… 


Le 25 mai 2018 , Harvey Weinstein est arrêté à New-York.


Quatre mois plus tard, une star de la télévision aux USA, Bill Cosby, est condamné à trois ans et demi de prison pour crime sexuel.

New York se dote d’une loi d’exception, la Child Victims Act (loi sur les enfants victimes). À compter du 14 août 2019, les victimes d’agressions sexuelles pourront porter plainte au civil quelle que soit l’ancienneté des faits. Le lendemain, le lendemain, le15 août 2019, le cabinet d’avocats Anderson déposait à lui seul 200 plaintes ! Selon les estimations de l’institution judiciaire, l’opération devrait mobiliser 45 magistrats… C’est une innovation juridique puisqu’il s’agit d’une loi qui pourra s’appliquer rétroactivement…

#MeToo et #balancetonporc ont cristallisé des centaines de milliers de paroles jusqu’alors inaudibles, voire interdites. Pourquoi en 2017 et pas avant ? Depuis les années 50, époque où il fallait être héroïque pour entrer dans un commissariat de police et déposer plainte pour viol, les féministes, associations et individus, ont réussi à faire évoluer les sociétés sclérosées par des systèmes patriarcaux. Pour qu’il y ait explosion, il faut une étincelle, en l’occurrence l’affaire Weinstein ; mais il faut surtout une accumulation de matières explosives. 


Et la France pendant ce temps ? C’est une journaliste française, Sandra Muller, qui crée sur Tweeter #balancetonporc, pour que « la peur change de camp ». Le hashtag recueille 200 000 témoignages en quelques jours. Chronologiquement, BalanceTonPorc précède de quelques jours la relance de MeToo aux USA.


Nous avions, nous-mêmes, invité les victimes à témoigner sur un site dédié. La démarche était bien dans l’air du temps… 


La France est l’un des rares pays où les victimes ont été invitées sur #balancetonporc à citer nommément leurs « porcs ». Une forme de délation qui pouvait choquer dans un pays lointainement traumatisé par les dénonciations anonymes envoyées par des milliers de « corbeaux » à l’occupant nazi. Ici, pas de lettres anonymes, mais plutôt une mise au pilori numérique. La méthode a été contestée.

Nous aurions tant aimé avoir entendu celles et ceux qui ont dénigré #BalanceTonPorc éprouver de la compassion pour les victimes claquemurées dans et par le déni. Le 10 janvier 2018 l’initiatrice du mouvement, Sandra Muller, a été poursuivie en justice par Éric B., premier dénoncé par le hashtag. Éric B. a reconnu les faits et s’en est excusé. Mais il estime que leur révélation sur Tweeter lui porte un préjudice disproportionné… Sandra Muller a été condamnée pour diffamation. Elle a fait appel. Ce qui est indéniable, c’est que #BalanceTonPorc a participé à briser une omerta ravageuse. L’avalanche de tweets qui ont suivi le démontre. L’initiative serait scandaleuse dans un pays où l’institution judiciaire aurait pris la mesure des violences sexuelles et la souffrance des victimes. Qui oserait affirmer que c’est le cas en France ? Parlons clair, dans l’hexagone, il n’y a jamais eu de procès contre des vedettes du showbiz, de la littérature ou du cinéma comme il y en a aux USA. Qu’on nous comprenne bien. Nous ne sommes pas des ayatollahs de la répression. Nous souhaitons simplement que la France se dote enfin d’un arsenal juridique efficace pour protéger les enfants. Les orientations sexuelles de chacun et chacune relèvent d’une liberté que nous respectons dès lors qu’il s’agit de relations consenties entre adultes. Mais nous souhaitons également que la notoriété, l’argent ou la proximité avec les lieux de pouvoirs ne permettent plus à des justiciables, notables ou pas, d’échapper aux lois communes. Cela n’a rien à voir avec un quelconque « ordre moral ».

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