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Sidération

Pour faire référence à la page 58 du manifeste

Texte rédigé par Jean-Pierre (JPA) et Homayra Sellier (SG)


Qu'il s'agisse d'une femme ou, plus souvent, d'un enfant, la défense du violeur avance le fait que la victime ne s'est pas opposée à l'agression, ni en parole (ne serait que par un « non ! »), ni par des gestes de défense.

Or l'enfant victime est plongé avec une brutalité (psychologique) inouïe, dans l'impensable. Aucun raisonnement, bien entendu, mais aucun geste de défense ne peut alors s'appliquer à une situation inimaginable. Le criminel entendait le traiter comme un objet à son usage, c'est fait, l'enfant est « chosifié ». Pétrifié, il n'oppose aucune résistance et d'ailleurs le pourrait-il ? C'est ce qu'on appelle la sidération : un tel état de terreur et d'incompréhension qu'il pétrifie la victime. Alors se produit parfois, de plus, une « dissociation » (Pour se protéger, la conscience abandonne et ignore son corps).   


Par ailleurs aujourd'hui sont révélées de nombreuses affaires d'abus sexuels et de viols dans des structures sportives de formation. Les victimes ont attendu des années et un climat sociétal devenu plus favorable pour dénoncer leur agresseur. Il y a là une prolongation de la sidération dans le temps qui peut aller jusqu'à un autre phénomène : l'amnésie traumatique. Il y a une parenté entre les deux. 

Plusieurs conclusions s'imposent :  

  1.  Il faut absolument que par une mise à jour des textes, la sidération s'étende clairement du lexique psychologique vers le lexique juridique. Interrogée par un sénateur, la ministre de la justice a répondu par la mise en place… d'un groupe de travail. (Sénat / 10 01 2019).   
  2. Ce concept doit être intégré dans la formation des magistrats et des personnes qui ont mission de protéger l'enfance.   
  3. Très souvent, ce qui rend possible la sidération et l'acte criminel qui en découle, c'est la totale ignorance de la victime non seulement sur la sexualité, mais aussi sur l'existence de prédateurs (de profils variables, hyper violents, ou hypocritement bienveillants), ignorance aussi sur le droit absolu, inaliénable, dès le plus jeune âge à son intégrité corporelle. A ces raisons s'ajoute le tabou séculaire sur la sexualité qui persiste dans les familles et toute la société. De ces choses-là « on ne parle pas ».  Le sexe évoqué sans périphrase étant une chose honteuse, la victime intègre cette honte pour elle-même.   
  4. Les préventions éducatives sont trop souvent esquivées, par les familles, les éducateurs et les institutions, pour des causes enfouies dans les profondeurs millénaires de nos cultures en ce qui concerne le sexe. Il appartiendrait aux plus hautes autorités de prendre des dispositions très concrètes et obligatoires pour faire « bouger les lignes ». C'est fait dans certains pays. Cela relève, nous semble-t-il du devoir de protection qui doit s'imposer, y compris juridiquement, aux familles et aux structures éducatives.  

(J-P A) 

Autre contribution pour la compréhension de la sidération :  

Un viol a toujours des conséquences lourdes qui vont affecter la vie de la victime. Troubles psychologiques, perte de l’estime de soi, développement de phobies, et une myriade de petites ou de grandes difficultés à établir des relations sociales épanouissantes, Et, comme un parasite sournois, une mémoire traumatique se développe, contraignant la victime à développer des stratégies d’évitement. Tout faire pour empêcher le trauma initial de réapparaître. Les stratégies d’évitement sont individuelles, multiples. Telle personne victime d’une agression dans une salle de bain, évitera de fermer la porte de cette pièce. Telle autre, au contraire, s’enfermera. Une troisième personne, agressée dans un ascenseur, montera les étages par l’escalier, etc. Ces mécanismes inconscients, l’hypervigilance, épuisent nerveusement et ne sont pas toujours utilisables dans la vie quotidienne. Dès que le traumatisme ressurgit, intact, comme s’il venait de se produire, un autre processus, tout aussi inconscient, s’enclenche. Provoquer le plus vite possible l’anesthésie de la dissociation ; retrouver le moment où la douleur s’évanouit. Ce moment que toutes les victimes partagent et décrivent avec les mêmes mots. Cette sensation de ne plus être dans son corps, de voir sans émotion ce qu’elle subit. Comment atteindre cet apaisement ? En s’infligeant des souffrances (scarifications, brûlures de cigarettes…), en s’enivrant le plus vite possible, en prenant des psychotropes, drogues légales ou non, mais aussi en adoptant des conduites à risque (prise d’un axe routier à contresens, excès de vitesse…). Tout cela pour arriver le plus vite possible à cet état de dissociation qui anesthésie la douleur. 

(SG) 

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