1 sur 5

A   B   C   D   E   F   H   G   I   J   K   L   M   O   P   R   S   T   V   W   Z 

Amnésie Traumatique

Pour faire référence à la page 13 du manifeste

Texte rédigé par Homayra Sellier (HS) et Serge Garde (SG)


L’amnésie traumatique ou dissociative, reste un mécanisme neurologique encore méconnu. 

Mié Kohiyama, présidente de l’association MoiAussiAmnesie nous présente cette réalité souvent cauchemardesque : « C’est un mécanisme par lequel le cerveau, confronté à un stress ou à un choc trop énorme tel que le viol d’un enfant, va extraire ce souvenir traumatisant de la conscience. Celui-ci peut alors rester ignoré par la victime toute une vie ou bien resurgir 10, 20, 30 voire 50 ans après les faits.

 En ce qui me concerne, ce fut 32 ans après les viols que les souvenirs sont brutalement réapparus lors d’une séance d’hypnose. Et ce avec les moindres détails de l’horreur ainsi que l’intensité des émotions (terreur, dégoût, honte… etc.) dont avait certainement été saisie la petite fille de cinq ans que j’étais alors. L’homme qui m’a violée était un cousin éloigné de 39 ans. 

La résurgence des souvenirs m’a donnée la terrible sensation d’être comme violée une seconde fois. Il m’a alors fallu tout un temps d’acceptation et de reconstruction, ne serait-ce que pour prendre conscience que j’avais vécu jusqu’à l’âge de trente-sept ans, prisonnière de mon inconscient. Mon parcours a été semblable à celui de nombreuses victimes de pédocriminalité avec son cortège de phobies, d’angoisses, de troubles du comportement alimentaire, de problèmes dans ma vie intime, scolaire ou professionnelle… etc. 

Concernant le volet judiciaire, les faits qui s’étaient produits en 1977 étaient prescrits. Je trouvais cela profondément injuste car ils n’avaient resurgi à ma mémoire qu’en 2009. J’ai donc décidé malgré tout de déposer plainte en 2011 dans l’espoir que d’autres victimes éventuelles de mon agresseur, non prescrites, soient retrouvées en vue d’un procès. Ma plainte a été classée sans suite du fait de la prescription. 

Avec mon avocat, Me Gilles-Jean Portejoie, je suis devenue la première victime d’amnésie traumatique liée à des violences sexuelles en France à porter son affaire devant la Cour de cassation. Nous souhaitions que la justice reconnaisse l’amnésie traumatique comme un « obstacle insurmontable » m’ayant empêché de déposer plainte plus tôt. Notre pourvoi a été rejeté en décembre 2013. 

Depuis, nous nous battons aux côtés de la Dre Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie pour la reconnaissance de l’amnésie traumatique dans la loi. Ce que la justice n’a pas reconnu, nous souhaitons que le législateur ait le courage de le faire. L’amnésie traumatique, qui fait partie de l’impact psychotraumatique des viols, affecte entre 40 et 60 % des victimes de violences sexuelles dans leur minorité. Donc potentiellement des dizaines de milliers de victimes ignorées et en déni de justice en France. Des victimes souvent isolées et en souffrance que nous avons regroupées au sein de l’association MoiAussiAmnesie 

Nous nous battons pour elles en ayant également conscience que l’amnésie traumatique est l’un des piliers de l’impunité de la pédocriminalité en France. Un prédateur sait pertinemment que lorsqu’il s’en prend à un petit enfant, son cerveau va disjoncter, le réduisant au silence pendant de très nombreuses années. Un musèlement des victimes, corollaire de l’impunité des auteurs qui favorise malheureusement la continuité des violences. 

Il n’est donc pas acceptable que l’impact psychotraumatique des viols ne soit pas reconnu dans la loi. Il en va de la paix et de l’harmonie sociale. Il en va des générations actuelles et futures que nous devons impérativement protéger du fléau de la pédocriminalité. »

Autre élément de réflexion : 


Arrêté en mai 2015, Romain F., directeur de l’école de Villefontaine-en Isère, mis en examen pour viols sur des mineurs, mettait fin à ses jours dans sa cellule de la prison de Lyon-Corbas en avril 2016. Deux ans après, le doute n’est plus permis. Les gendarmes ont travaillé sur les milliers de photos et de vidéos perquisitionnés au domicile de l’enseignant et identifié des dizaines de victimes. 

Entre 2000 et 2015, l’enseignant a violé plus de 60 enfants. Les enquêteurs ont retrouvé huit nouvelles victimes. Trois d’entre elles n’avaient aucun souvenir des viols subis, attestés par des images incontestables. Preuve de l’existence d’une amnésie traumatique.

MESURE PROPOSÉE


Nous proposons la reconnaissance officielle de l’amnésie traumatique, et l’inscription de son étude dans les facultés de médecine et la formation des enquêteurs et des magistrats.

Share by: