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Patrice Alègre

Pour faire référence à la page 31 du manifeste.

Texte rédigé par Serge Garde (SG)


Le février 2002, la cour d’assises de Haute Garonne condamne Patrice Alègre à la perpétuité assortie d’une peine incompressible de 22 ans, pour six viols et un meurtre. 

Ce fils de CRS et d’une coiffeuse est-il un prédateur solitaire ou un tueur en série aux ordres d’une coterie toulousaine organisatrices de soirées sadomasochistes ? Pour certains, Alègre serait, à l’instar de Dutroux en Belgique, un pourvoyeur en chair fraiche, livrant parfois des mineures ?

La presse relance l’affaire en avril 2003. L’ancien maire de Toulouse, Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, prend l’initiative de révéler que son nom apparaît dans le dossier et crie au complot. Il sera promptement disculpé. Haro sur les journalistes (et certains gendarmes) qui ont enquêté sur l’hypothèse d’un réseau criminel. Karl Zéro a fait partie des victimes collatérales de cette affaire. Dix-sept ans après, invité sur le plateau de « C à vous » sur France 5, l’affaire Alègre est utilisée pour tenter de discréditer sa parole. 

Karl, en toute amitié, nous a transmis sa version des faits :

L’Affaire Alègre, telle que je l’ai vécue - Par Karl Zéro 

(extrait de «  Karl Zéro balance tout  » Editions Télémaque - Plon 2020)  

 

« L’affaire Alègre / Baudis, maintenant. J’en vois qui salivent d’avance  ! 


Un sujet toujours d’actualité  ? Plus que jamais, semble-t-il. 

Pas plus tard qu’hier soir, C à vous m’invitait pour parler de la possible libération conditionnelle de Marc Dutroux. 


Impossible ? Non, probable. Ses deux complices, Michel Lelièvre le SDF et son épouse Michelle Martin ne sont-ils pas déjà en liberté  ? 


Ça sent le deal à plein nez. Une «  bonne âme  » a dû intervenir  : «  Au procès, Marc, tu oublies le réseau, les commanditaires de « chair fraîche ». Tu dis que tu enlevais, violais et laissais mourir de faim des fillettes uniquement pour ton propre plaisir. Tu prendras perpet’ mais t’inquiètes, la loi belge est bien faite : tu sortiras au bout de vingt ans. Capice ?  » 


Comme d’habitude, pas de réseau pédocriminel. Ça n’existe pas, voyons  ! Pourtant, face au juge Connerotte (qui sera précipitamment dessaisi de l’affaire), Dutroux avait immédiatement donné le nom de Michel Nihoul, comme commanditaire des enlèvements pour un réseau pédophile où l’on croisait le gratin belge. Dutroux ayant donc changé de version au procès, et se présentant comme un «  prédateur isolé  » Nihoul ne fut condamné qu’à cinq ans de prison pour des broutilles. 

La  lecture du dossier judiciaire, publié par WikiLeaks en  2011 (1 100  pages), donne pourtant un aperçu édifiant des huiles politiques et judiciaires, des businessmen, des nobles du royaume qui évoluaient dans cet univers trouble… 


Mais le deal ne fut pas respecté et Dutroux, étant toujours en prison, s’agaça, dès  2014, de ce rôle de lampiste floué, et revint à sa première version, celle du réseau, dans une lettre de 44  pages le détaillant, envoyée à Jean-Denis Lejeune, le père de Julie, enlevée à l’âge de 8 ans puis retrouvée morte… 


Lettre bien évidemment jamais rendue publique. 

«  Mais attendez, attendez, on ne comprend pas bien, Karl  !  Est-ce qu’il y a dans le dossier des noms de gens qui ont été protégés ou couverts  ? 

  • Bien sûr. 
  • Si on sort le dossier Alègre, on trouve le nom de Dominique Baudis, Karl… 
  • Alors… C’est pas parce qu’un nom est dans un dossier que les accusations sont fondées ! 
  • Allons bon  ! Mais où voulez-vous allez exactement, Patrick  ?  » 
  • Visiblement nulle part, décide la régie, car Anne-Élisabeth Lemoine lance un sujet. 

Cette petite vilénie sort de la bouche de Patrick Cohen. Bah, j’ai l’habitude…Il essaye, comme tant d’autres avant lui, les Fogiel, les Schneidermann, de rouvrir une plaie qu’il espère douloureuse. 

Il tombe sur un os. L’affaire date d’il y a seize ans. C’est dire si j’ai eu le temps d’y repenser, et de l’analyser. 

Elle a foutu des années de notre vie en l’air, avec Daisy. 

Elle m’a coûté ma « carrière », si tant est – avec le recul – que ce mot veuille dire quelque chose. 

Je  suis tombé «  socialement  » aux yeux d’imbéciles, ou d’ignorants. 

Les  premiers le resteront, je leur fais confiance. 

Les  autres vont comprendre de quoi il retourne, je ne l’ai jamais raconté. Ils  jugeront. 

Rappel des faits, signé Wikipédia, plus neutre et objectif tu meurs  :  


Patrice Alègre, né le 20 juin 1968 à Toulouse, est un tueur en série français arrêté à Châtenay-Malabry le 5 septembre 1997 et condamné le 21 février 2002 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22  ans, pour 5 meurtres, une tentative de meurtre et 6  viols. Il a par la suite obtenu des non-lieux dans 4 dossiers, le  3  juillet  2008. 

L’affaire Alègre, à proprement parler, débute en mai 2003, après la réouverture de plusieurs dossiers anciens par les gendarmes de la cellule Homicide  31 (cellule chargée, sous la direction de Michel Roussel de 2000 à  2003, d’enquêter sur les éventuelles victimes de Patrice Alègre). Le 15  avril 2003, le procureur de Toulouse ouvre une information judiciaire contre Patrice Alègre et tous autres des chefs de proxénétisme en bande organisée, viols, viols aggravés, accompagnés d’actes de torture et de barbarie, commis par des personnes abusant de l’autorité que leur confère leur fonction, à la suite des déclarations des ex-prostituées Fanny et Patricia mettant en cause diverses personnalités politiques, judiciaires et policières. 


Le 18  mai  2003, au journal télévisé de 20 h de TF1, l’ancien maire de Toulouse, Dominique Baudis, président à cette date du Conseil supérieur de l’audiovisuel donne à l’affaire un retentissement maximum en révélant que son nom est cité dans l’enquête et dénonce une «  effarante machination  », qui serait selon lui à rattacher «  aux milieux liés à l’industrie pornographique  ». Le 11  juillet  2005, la chambre de l'instruction de la cour d’appel de Toulouse confirme le non-lieu général dans le volet «  viols et proxénétisme en bande organisée  » dans lequel Dominique Baudis et d’autres personnalités avaient été mis en cause. 

Curieusement, Alègre –  comme Dutroux  – vient de demander à recouvrer la liberté. Condamné en  2002 à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une période de sûreté de 22  ans pour 5  meurtres, une tentative de meurtre, et 6  viols, il a aussi obtenu 5  non-lieux depuis. En gage de «  bonne conduite  », pour récompenser son «  vœu de silence  » quant à l’existence d’un réseau  ? 

Car il l’a affirmé, après avoir dit le contraire : à Toulouse, non, il n’y avait pas de réseau, mais un «  prédateur solitaire  », lui… Comme en Belgique, quoi ! 

Au début de l’affaire, c’était une autre histoire. Il  reconnaissait qu’il était en charge de trouver de la «  chair fraîche  » et de la dope pour les soirées toulousaines. C’était même le thème de la célèbre lettre qu’Alègre m’avait fait parvenir depuis sa geôle, et dont j’avais donné lecture à l’antenne. Après assentiment du juge Lemoine, en charge de l’affaire, la lettre transitant par son bureau, et avec l’accord de la direction de Canal+.

Quelle mouche avait piqué Alègre  ? 


Ayant vu, depuis sa cellule, Dominique Baudis s’inviter chez Claire Chazal pour «  prendre à la gorge une ignoble rumeur  » le concernant, Patrice Alègre s’était simplement dit  : «  Et moi, pourquoi je dirais pas ma vérité  ?  » 


Il  s’était donc fendu d’une missive de 4  pages au Vrai Journal (émission qui avait du succès auprès des détenus) où il balançait –  allègrement, comme ça s’est dit  – ce même Baudis, expliquant dans le détail comment sur ordre de ce dernier il avait «  fait taire  » un travesti… en l’exécutant. 


Ce dernier avait eu l’idée (saugrenue) de filmer en douce leurs parties fines, dans l’espoir de faire chanter tout ce petit monde. Sauf qu’en prime, il s’était ouvert de ce funeste projet à Alègre… Mauvaise pioche. Alègre en avait référé au commissaire Z, qui en avait référé au Substitut B, qui en avait référé…  «  à qui de droit  ». 

Hiérarchie, quand tu nous tiens… 

Gonflée, la  lettre. Et sa lecture publique, encore plus… Dangereuse, osée, folle. Mais on ne s’en rend pas vraiment compte. Parce qu’on est grisés, au Vrai Journal. Y’a de quoi. D’un coup, voilà qu’on fait jeu égal avec les grands, les gros, toutes les rédactions de France et de Navarre qui étaient sur les dents, qui couvraient l’affaire à l’affût du moindre témoignage… Jeu égal  ? Non, on les plie  ! Nous, tranquilles, on arrive avec carrément le scoop du siècle  : le récit d’un tueur en série qui, au passage, balance le président du  CSA. Mon téléphone explose  : Le Monde, TF1, Match, France 2, les quotidiens… Tout le monde veut une copie de la lettre, et les noms donnés par Alègre, que je n’ai pas lus à l’antenne. Je refuse, mais Le Monde les publie quand même dans son «  verbatim  ». 


À  ce moment-là, l’énormité du «  scoop  » occulte, à mes yeux, la gravité extrême, l’intolérable, tout ce que je vais comprendre ensuite. 

Baudis sera blanchi, bien sûr, et ressortant même de cette affaire plus blanc que blanc, on le nomma Défenseur des droits. C’est dire… 

Personnellement, je n’avais rien contre cet homme. Il m’avait même invité à déjeuner, en tant que président du CSA, en compagnie de Camille Pascal, son fidèle bras droit (qui deviendrait, par la suite, conseiller de Sarkozy en 2011), pour voir un peu à quoi ressemblait l’animateur de cette émission qui ruait dans les brancards. Rien à dire, le mec sympa, normal… 

Surtout, on avait un ami commun  : c’était un vieux pote de Bizot. 


Qui me téléphona, au milieu de la nuit, suivant son habitude  : 

«  Arrête tes conneries, Karl. Tu vas exploser en vol. Dominique, il a jamais touché à des enfants. Il a jamais torturé. Des partouzes, oui… OK, on s’y croisait, même. Y’a pas mort d’homme, putain  ! 

  • Je  t’ai dit le contraire  ? Thierry  A., Patrick  S., tous ceux qui aiment passer dans ces soirées me l’ont confirmé. Je ne suis pas là pour juger, j’en ai rien à foutre. Et j’ai jamais dit que Baudis avait touché à des gosses, Jean-François ! Mais c’est pas moi qui suis allé chez Claire Chazal pour tordre le cou à une rumeur calomnieuse dont personne n’avait entendu parler… Qu’est-ce qu’il est allé parler d’«  actes de torture  », d’enfants  ? C’est pas son truc, c’est juste un libertin, tout le monde le sait. Rien n’était sorti, et rien ne serait jamais sorti, comme d’hab, s’il n’était pas allé en parler sur TF1… Il s’est mis lui-même dans le piège. Il est allé ouvrir une boîte de Pandore. En plus il transpirait, ça faisait louche. » 

Il reste que dans le dossier Alègre, plusieurs crimes ont été classés comme des suicides. Contre toute vidence.

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