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 Inceste

Pour faire référence à la page 8 du manifeste

Texte rédigé par Jean-Pierre (JPA)


Il existerait, dans toutes les cultures un tabou de l'inceste. 

Ce tabou est-il absolu ? L'inceste existe bien. Plus : il est fréquent. Mais il est vilipendé (tabou) par la société (les sociétés). C'est pourquoi il est clandestin, secret, dissimulé. Ce qui le rend plus difficile à identifier… et à sanctionner. Pire : en général l'inceste dans sa version viol est caché dans les familles qui devraient être protectrices. Exemple : la mère ne dénonce pas son époux incestueux dont elle dépend économiquement et psychologiquement. Autre cause : la honte pourrait retomber sur toute la famille. Aucune catégorie sociale n'est épargnée. Laissons de côté les cas d'adultes consentants (dans quelle mesure ?) Un de nos grands écrivains du 19ème siècle avait un lien charnel avec sa sœur. Y avait-il emprise ? Plus près de nous l'abus (viol ?) d'un frère ainé sur son cadet, dans une famille peu ou prou aristocratique a éclaté quelque temps avant d'être étouffée. Une chanteuse de grand talent en a fait une poignante chanson. Des écrivaines libèrent leur parole, non sans souffrance. 


Notre sujet c'est l'inceste sur enfants au sein de la famille. 


Non expert, je ne puis que témoigner de quelques expériences professionnelles. Aux spécialistes d'en extraire des conclusions. 

Témoignage N° 1 

Je suis Principal adjoint d'un collège. Une élève de troisième âgée de 15 ans vient me voir à mon bureau (toujours ouvert aux élèves). Elle me fait la demande suivante « Est-ce que je pourrais rester au collège le soir, après la fermeture, jusqu'au retour de ma mère à la maison ? » ; « Pourquoi ? » « Je ne veux pas être seule avec mon père ». C'est clair ! En poussant un peu la conversation je comprends, à demi-mots, qu'elle s'est sortie difficilement de plusieurs tentatives de viol paternel. Comme je travaille au collège le soir, j'accepte et, s'il fallait le refaire je le referais. Cela me semble évident mais les autres membres de la direction me désapprouvent : « pas autorisé », « pas réglementaire », « pas couvert », « pas notre mission », "pas certain, pas de preuve". Je ne cède pas. A l'époque je n'avais pas conscience de ce type de problème. Ce fut un premier déclencheur. 

Témoignage N° 2 

Je suis alors Inspecteur. Je visite une « classe de perfectionnement ». Autrement dit un ghetto pour enfants en grandes difficultés d'apprentissages. On les y a orienté sur la base non scientifique (j'y insiste) d'un QI faible censé mesurer l'intelligence (C'est une ânerie qui persiste, mais c'est une autre affaire). Ces classes n'existent plus, les enfants en question sont, en principe, intégrés en classes ordinaires avec un « projet individualisé ». C'est mieux mais très insuffisant car les causes de la difficulté ou de l'impossibilité d'apprentissage ne sont pas interrogées. On en reste au mythe tellement pratique du sacro-saint QI qui a le mérite de déculpabiliser bien du monde (Cet élève, Il est né comme ça, le pauvre. La société n'y est pour rien). Ce que je constate n'a rien à voir avec un QI inné et est pour moi une tornade intellectuelle. Voici les faits : je fais le décompte avec l'institutrice très motivée. Sur onze élèves, quatre (trois filles et un garçon) ont été victimes d'abus sexuels évidents dans le cadre familial (proche ou élargi aux oncles ou cousins) mais jamais dénoncés. Leurs apprentissages sont bloqués pour cette raison. Je laisse aux psychiatres et psychanalystes le soin de décrypter le phénomène. Pour les sept autres élèves… je ne sais pas… 

De ce jour, contrairement à la pratique institutionnelle courante, examinant en commission spécialisée les situations d'enfants « non apprenants », je n'ai jamais plus censuré en moi l'hypothèse de l'inceste.

Témoignage N° 3 

Je suis inspecteur. Sonnerie de téléphone. On m'appelle pour me demander de passer d'urgence dans une école. Deux mots sur cette école : c'est une école publique comme on en trouve trop peu. On y travaille en équipe et on y met en œuvre le type de pédagogie que messieurs Blanquer et Dehaene détestent : travaux en groupes hétérogènes (les forts aident les faibles), confrontations d'avis sur des situations problèmes, initiation aux responsabilités, centre de ressources libre d'accès, travail avec et sur les échanges langagiers, l'argumentation, l'écoute. En ça marche, je vous l'assure monsieur le ministre ! Une ambiance qui explique sans doute la réactivité de l'équipe. Car voici les faits : 

La petite fille de cinq ans (appelons-la, ici, par convention, Chloé), en cycle deux, est triste et se touche le sexe. Bonne réaction de l'institutrice qui lui demande « Chloé, qu'y a-t-il ? Tu as mal là ? » – « oui, j'ai mal » – « Oh. Quelqu'un t'a fait mal là ? » – « Ou… oui » – « Qui t'as fait mal ? » - « Mon papa ». Devant l'évidence je déclenche l'alerte institutionnelle et je tombe sur un juge réactif, (ce ne fut pas toujours le cas). Je vous passe les détails des événements mais le soir même le père incestueux dort en prison et j'en suis très content. 

Ce n'est pas tout ! La maman que l'on avait vue le soir même horrifiée, éplorée, se rétracte le lendemain devant l'inspecteur de police. « c'est impossible, ce n'est pas vrai, elle a dû se cogner, etc ». Voilà qui fait cogiter… mais le constat médical est formel : il y a eu viol. Information supplémentaire à peine croyable : la mère, qui a épousé un violeur d'enfant, avait elle-même été victime d'un inceste paternel dans son enfance. C'est tout… 

Des situations de ce type, je pourrais en décrire d'autres qui se bousculent dans ma mémoire… De ce jour j'ai pris conscience, à cinquante ans (!), non seulement de l'ampleur du problème mais de ses conséquences sur tout le psychisme de l'enfant victime et de l'adulte qu'il sera. Par ailleurs, des situations antérieures de plusieurs années voire décennies, auxquelles je n'avais, sur le moment rien compris, se sont éclaircies. 


L’auteur de cette contribution, Jean-Pierre Alexandre, nous a également fait parvenir une note complémentaire que nous livrons volontiers à votre réflexion : 

Exogamie et tabou de l'inceste. 

L'inceste (relation sexuelle intrafamiliale consentie ou imposée) est un sujet brulant. L'inceste est paradoxal en ce sens qu'il est « tabou » (interdit jusqu'au mot lui-même) et… fréquent (mais dissimulé). Référence : Freud « totem et tabou ». 

Une question est : d'où vient cette condamnation universelle et transhistorique de l'inceste ? La question annexe serait (non traitée ci-dessous) pourquoi sa fréquence malgré l'interdit ? 

Je livre à votre réflexion le fait suivant admis par nombre d'ethnologues et préhistoriens. Il concerne les populations anciennes du paléolithique et celles (encore…) actuelles relevant de cultures non technologiques proche des cultures paléolithiques (Chasseurs – pêcheurs – cueilleurs). Bien entendu : aucun mépris pour ces peuples (Dont nos anciens livres de géographie disaient qu'ils étaient "en voie de disparition", alors qu'ils ont tous un langage élaboré, des traditions solides, une solidarité de groupes, des pratiques médicales basées sur une pharmacopée issue de l'observation, une connaissance profonde de la nature à laquelle ils ont bien compris qu'ils sont liés). 


Dans ces sociétés prénéolithique ou contemporaines, grâce aux techniques d'analyses génétiques, on a observé pour les unions femmes-hommes, la prédominance importante de l'exogamie. Toujours de l'exogamie féminine (Exogamie : mariages à l'extérieur du clan – Endogamie : mariages au sein du clan, donc avec une consanguinité allant s'accroissant. Les conséquences biologiques, connues aujourd'hui, de la consanguinité sont attribuées à l'appauvrissement et à la non régénération du patrimoine génétique. Le risque était d'autant plus grand que les groupes humains étaient restreints - rarement plus de vingt personnes, moins le plus souvent. Souvenons-nous qu'à époque de Cro-Magnon la population sur l'étendue actuelle de toute la France ne dépassait pas 40 000 individus). Mais si nos ancêtres ignoraient la génétique et les travaux de Gregor Mendel et d'Albert Jacquard ! En revanche ils savaient observer. 


Donc les clans se rencontraient probablement pour, exogamie oblige, procéder aux échanges… de femmes, ou de futures adultes femmes afin de ne pas rester dans le périlleux entre-soi. Il semble qu'en même temps existait déjà le tabou de l'inceste. Réflexion proposée qu'est ce qui fut premier ? Le tabou, ou la pratique exogamique. Un peu l'histoire de la poule et de l'œuf... Bonne méditation… 

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