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Eglise Catholique

Pour faire référence à la page 53 du manifeste


Depuis les 4ème et 5èmes siècles, et les protestations des pères du désert condamnant l’introduction de jeunes dans les monastères, l’omerta catholique n’a été brisée que peu de fois. 

Paris, le 30 juillet 1827, une dame Le Bon porte plainte contre son voisin, Joseph Contrafatto, le curé de l’église Notre-Dame-de-Lorette, à Paris. Elle l’accuse d’avoir violé sa fille Hortense, 5 ans. En moins d’une semaine, l’affaire est enterrée. Non-lieu. Sitôt la nouvelle connue dans le quartier, une foule en colère fait le siège du domicile du curé. Le pouvoir royal a peur des « émotions populaires ». Du coup, le non-lieu est annulé et Contrafatto se retrouve condamné aux travaux forcés. Mais le président du tribunal s’empresse de conseiller à l’abbé de rédiger une confession qui lui permettra d’être gracié par le roi Charles X. Le royaume de France n’est-il pas « fille aînée de l’Église » ? Le prêtre ne se fait pas prier. Mais au lieu de rédiger des aveux contrits, il se lance dans une violente diatribe contre sa victime. Un texte qu’il fait éditer en brochure. La famille Le Bon répond par écrit à ce qu’elle estime être de la diffamation. Les deux textes connaissent une large diffusion1 . Les anticléricaux qui se sont emparés de l’affaire affrontent les bigots qui soutiennent le roi et le curé. Des émeutes éclatent, notamment rue Saint-Denis. Le retour au calme n’interviendra qu’en novembre 1827, après la condamnation effective du violeur. Joseph Contrafatto est exposé au pilori, marqué au fer rouge et expédié au bagne de Brest. Il fut gracié en 1845.

Pendant la deuxième guerre mondiale, le ministre nazi des Cultes a affirmé que 7 000 ecclésiastiques avaient été condamnés pour crimes sexuels entre 1933 et 1937, mais ce chiffre n’a pas été confirmé. On relève quelques centaines de condamnations de prêtres, tout au plus. Il s’agissait d’une campagne orchestrée par le parti nazi, pour combattre l’influence catholique en Allemagne.

Après 1945, des enquêtes et des études ultérieures révèleront que les cas d'abus sur mineurs ont été nombreux aux États-Unis, en Irlande, aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne par exemple.

  • => Thomas J. Reese, « Facts, Myths and Questions », sur Americamagazine.org, America, National catholic weekly, 22 mars 2004 
  • => Marianne GOMEZ, Céline HOYEAU et Frédéric MOUNIER, « Les scandales de pédophilie secouent l’Église catholique », sur Lacroix.com, La Croix, 10 mars 2010 
  • => Georges Vigarello, Histoire du viol, Le Seuil, Coll. Points Histoire, 2004
  • Ces affaires ont été le plus souvent étouffées, d’autant que les opinions publiques se désintéressaient de la pédocriminalité. 

La parole des victimes s’est libérée vers 1990 au moment où le statut de l'enfant dans la société change. 

  • En 1984, la télévision crée l’évènement en diffusant « Le bébé est une personne », documentaire de Tony Lainé et Daniel Karlin. 
  • Quant à la Convention internationale des droits de l'enfant ne date que de 1989.

Première alerte dans le monde catholique, en 1985. Thomas Doyle, prêtre catholique et spécialiste de droit canon, rédige avec F. Ray Mouton Jr. et le père Michaël Peterson un rapport de 92 pages sur les nombreux abus sur mineurs commis par des membres du clergé aux États-Unis. Les auteurs proposent, notamment, la création d'une commission nationale pour répondre aux plaintes déposées dans toute l'Église aux États-Unis. Les conclusions du rapport sont rejetées par la conférence épiscopale américaine. Les évêques préfèrent agir localement en interne, avec leurs propres experts. Thomas Doyle deviendra par la suite l'un des porte-paroles des associations de victimes. 


Les premières affaires déclarées de pédocriminalité dans l'Église catholique aux États-Unis apparaissent à la fin des années 1980. Des procès très médiatisés, comme celui, en 1993, du prêtre Edward Pipala (condamné pour des viols commis sur une dizaine de mineurs) brisent l’omerta. Des centaines de victimes sortent du silence. 

En 1993, la conférence épiscopale des États-Unis crée une commission pour lutter contre les abus sexuels dans l'Église (Ad Hoc Committee on Sexual Abuse). La même année, le pape Jean-Paul II annonce la création d'une commission d'étude pour améliorer les procédures de jugements canoniques des affaires d'abus sexuels. Cette commission, comprenant des représentants de l'Église américaine et du Saint-Siège, publie des directives pour faciliter la suspension des prêtres fautifs. Le pape approuve ces lignes directrices, sur une base expérimentale (tests psychologiques dans la sélection des séminaristes, etc.) Ce début de prise de conscience reste insuffisant et ne concerne pas toute l'Église.


Alors que l’omerta pesait toujours sur Hollywood, un an avant l’arrestation du producteur Harvey Weinstein, l’oscar du meilleur film fut attribué à Spotlight qui reconstituait les investigations du Boston Globe publiées en 2002 sur des crimes sexuels couverts par l’Église catholique. 

Des USA, le scandale s’est exporté en Europe. En 1995, le cardinal Hans Hermann Groër, archevêque de Vienne, est publiquement accusé d'abus sexuels par deux de ses anciens élèves, alors adolescents. Le cardinal nie les faits mais renonce à ses fonctions de primat des catholiques autrichiens. Le Saint-Siège estime que Hans Hermann Groër est victime de fausses accusations. Quelques mois plus tard, Christoph Schönborn, évêque coadjuteur du cardinal Groër, admet publiquement la crédibilité des faits qui sont reprochés à son supérieur. En 1998, avant une visite du pape Jean-Paul II en Autriche, l'épiscopat autrichien demande au Saint-Siège de se prononcer officiellement sur cette affaire et d'autres allégations d'abus sexuels. À la suite d'une enquête du Saint-Siège, le cardinal Groër renonce à ses fonctions ecclésiastiques. Il meurt en 2003 sans que la justice autrichienne ait pu statuer sur sa possible culpabilité. 

 l’Église catholique, embourbée dans des scandales à répétition, fait appel à un ancien Conseiller d’État, Jean-Marc Sauvé, pour présider une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE ),chargée de recueillir et de quantifier les violences sexuelles commises sur des mineur.es au sein de l’Église catholique. Une démarche intéressante, bien que tardive. 


En juin 2019, alors que venait juste d’être lancé l’appel à témoins de la CIASE, le président Sauvé, sur la chaîne KTO, reconnaissait qu’il n’avait pas pris la mesure du problème : en une journée, a-t-il déclaré, « nous avons reçu près de 400 appels ». 270 appels téléphoniques et 118 messages électroniques, tous concernant des violences sexuelles commises sur des enfants. 

Et là, nous retrouvons le malaise qui a suivi la médiatisation de l’affaire Weinstein. Cette dernière ne semblait concerner que des adultes. Et les tweets MeToo ne sont pas envoyés par de trop jeunes internautes. Quoique… En lisant les tweets d’adultes, rien ne permet de deviner l’âge auquel ils ou elles ont été victimes… C’est une des limites de l’effet Weinstein. Il efface les enfants. Il les renvoie dans un non-dit d’autant plus redoutable qu’on nous le répète, depuis la chute du producteur, la parole est libérée. Donc s’il y a du silence, ce serait parce qu’il n’y a rien à dénoncer…


Depuis mars 2016, les affaires de pédophilie dans l’Église catholique française s’accumulent et fragilisent notamment le cardinal Philippe Barbarin, primat des Gaules, qui tente de convaincre avec difficulté qu’il n'était pas au courant. 25 évêques, dont cinq sont toujours en poste, ont méthodiquement couvert pendant des années 32 auteurs d’abus sexuels, qui ont laissé derrière eux 339 victimes présumées.

Le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon accusé d’avoir couvert des affaires de pédophilie au sein de l’église, admet, dans un entretien publié samedi 12 août 2017 par Le Monde, avoir commis des « erreurs de gouvernance ». 

  • Ainsi, en 2010, Philippe de Morand, prêtre du diocèse de Lyon, est condamné à six mois de prison avec sursis pour agression sexuelle sur un jeune de vingt ans. Alerté, le cardinal de Lyon n’en a jamais informé la justice, et s’est contenté de favoriser la mutation du prêtre à Nanterre, dans la région parisienne. 
  • De même, en 2013, Le cardinal Barbarin a promu doyen du doyenné du Sud-Ouest lyonnais un prêtre condamné en 2007 pour des agressions sexuelles. Révélation du Parisien ( 17 mars 2016).

Même en pleine tourmente, le cardinal de Lyon a pu compter sur le soutien du Vatican qui voyait en lui « un courageux, un créatif, un missionnaire ».

Les scandales se multiplient en France. Liste non exhaustive :

  • Avril 2016, Les responsables d’un établissement scolaire jésuite parisien, Saint-Gonzague, sont accusés d’avoir couvert durant plusieurs années un nouveau scandale de pédocriminalité par, l'équipe investigation de Radio France.
  • L’ex-évêque d’Orléans André Fort a été condamné en novembre 2018,  à huit mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les agissements d’un prêtre prédateur sexuel, Pierre de Coye de Castelet, condamné pour sa part à deux ans de prison ferme.
  • Des dizaines de jeunes garçons pourraient avoir été victimes d’attouchements et de viols dans des centres de vacances du diocèse d’Orléans et du Mouvement eucharistique des jeunes, et lors de rassemblements des Scouts d’Europe. Pendant des années et dans plusieurs régions.
  • En 2017, deux religieux sont soupçonnés d’avoir commis des agressions sexuelles. Le premier, à Lyon, a été exfiltré en Guinée. Le second, parti de Conakry, termine sa carrière en Haute-Loire. Ils n’ont jamais été dénoncés à la justice. Révélations tirées du livre Église, la mécanique du silence (JC Lattès), en partenariat avec « Cash Investigation ».

« Le compteur de la honte continue de tourner », selon Médiapart qui, en mai 2017, accuse 27 évêques d’avoir couvert des d’abus sexuels. L’institution semble tétanisée face aux dérives de ses évêques :

  • En 2017, Médiapart dénonce les thérapies déviantes du « psy de l’Eglise », Tony Anatrella, prêtre parisien éminent, conseiller au Vatican, souvent surnommé “psy de l’Église”. Dix ans après les premiers signalements...
  • La même année, une enquête de Médiapart, We report et la chaîne suédoise SVT1, révèle comment la fraternité Saint-Pie-X a couvert plusieurs cas de prêtres accusés d’agressions sexuelles. Une société intégriste où les prêtres fautifs sont régulièrement déplacés dans une « prison dorée » nichée dans les Alpes françaises, loin de toute justice ordinaire. La Fraternité Saint-Pie X a défrayé la chronique en protégeant plusieurs nazis et collaborateurs…
  • Les mêmes enquêteurs français (Daphné Gastaldi, Mathieu Martiniere et Mathieu Périsse) révèlent en mars 2017 qu’un religieux français sous le coup d’un mandat d’arrêt pour agressions sexuelles sur mineurs au Canada depuis 20 ans, est toujours réfugié à Strasbourg, sans jamais avoir été jugé. Son parcours met en lumière le sombre passé des pensionnats autochtones du Grand Nord : à partir des années 1990, des milliers d'Amérindiens ayant séjourné dans des pensionnats religieux attaquent en justice le Gouvernement du Canada et les gestionnaires de ces pensionnats, les Églises Catholique, Anglicane, Unie et Presbytérienne pour « abus sexuels », maltraitance et « génocide culturel » commis entre 1880 et 1984. (voir Un phénomène mondial, dans le glossaire).

L’Église catholique est depuis confrontée à un énième scandale, celui des religieuses violées par des prêtres.


L’Eglise catholique est-elle la seule à être compromise dans des affaires pédocriminelles  ?


Non ! Aucune des religions dites « du livre » n’ont échappé à cette dérive.

Le Vatican a d’ailleurs envoyé des signes positifs : 


« Un nouveau pas a été franchi, mardi 23 septembre 2014, dans la ligne de fermeté et de transparence voulue par le Vatican concernant les prélats accusés d'actes pédophiles. Le pape François a autorisé le placement en résidence surveillée sur le territoire du plus petit Etat du monde de l'ancien nonce apostolique à Saint-Domingue, l'archevêque polonais Jozef Wesolowski, 66 ans.


Le responsable de la salle de presse du Vatican, le père Federico Lombardi, a précisé que ces poursuites avaient été entamées « conformément à la volonté du pape, afin qu'une affaire aussi grave et délicate soit traitée sans retard, avec la rigueur juste et nécessaire, et une entière prise de responsabilité de la part des institutions à la tête du Saint-Siège ».

Des médias dominicains avaient affirmé, témoignages à l'appui, que le prélat, en poste de 2008 à 2013, fréquentait avec assiduité les plages et le quartier de la « Zona Colonial » de la capitale de l'île pour y monnayer des prestations sexuelles avec des mineurs.


Rappelé à Rome, l'ecclésiastique a été condamné par la Congrégation pour la doctrine de la foi, au mois de juin, en première instance, à la réduction à l'état laïc (radiation du clergé), la peine maximale prévue par le droit canon pour des faits de cette nature. Parallèlement, le Vatican a autorisé l'ouverture d'une enquête préliminaire à un procès pénal pour pédophilie dans la Cité-Etat. Une première.


Jozef Wesolowski a perdu sa protection diplomatique, mais conserve sa nationalité vaticane. Les autorités du Saint-Siège ont refusé son extradition vers la Pologne, en l'absence de convention avec Varsovie (…) Convoqué place Saint-Pierre pour une audience préliminaire menée par le « promoteur de la justice », l'ex-Monsignore a été arrêté par la gendarmerie vaticane.

M. Wesolowski était devenu, au fil des mois, un nouveau symbole du silence du Vatican décrédibilisé par les révélations de dizaines de milliers de cas d'abus sexuels sur mineurs.

Le Comité des Nations unies sur les droits des enfants avait cité son cas pour illustrer l'absence d'initiatives de la Cité-Etat dans la lutte contre les sévices sexuels infligés par des ecclésiastiques. L'opacité de la procédure de l'enquête canonique secrète, gérée au Vatican par la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait également été dénoncée. Un procès pénal pourrait donner un peu de publicité aux débats.


Ce qui frappe dans cette affaire, c'est la volonté de l'Eglise de faire savoir que cette arrestation a été décidée par le pape en personne. Accusée de protéger les prélats coupables d'abus sur mineurs, se contentant souvent de les muter, l'Eglise se remet mal de ces affaires. François a décidé de rompre avec la pratique de ses prédécesseurs, même s'il revient à Benoît XVI le mérite d'avoir, le premier, dénoncé ces scandales.

Jozef Wesolowski avait été ordonné prêtre en 1972 par l'archevêque de Cracovie, le cardinal Karol Wojtyla, devenu le pape Jean Paul II, canonisé cette année.

Jozef Wesolowski avait été ordonné prêtre en 1972 par l'archevêque de Cracovie, le cardinal Karol Wojtyla, devenu le pape Jean Paul II, canonisé cette année.

Représentant du Vatican en Bolivie, M. Wesolowski avait ensuite été en poste dans différents pays d'Asie avant que Benoî XVI ne le nomme en République dominicaine en 2008. Selon la presse, un autre prêtre polonais, Wojciech Gil, serait associé à ses méfaits. »

 

(Le Monde, 24 septembre 2014)

MESURE PROPOSÉE


Nous proposons un alourdissement conséquent des peines pour ceux qui couvrent ou ferment les yeux sur les agissements pédocriminels « au nom du système ». 

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